• Jeanne des Armoises, la fausse Jeanne d'Arc

    Relevé sur le Petit Courrier d'Angers en date du mardi 21 mai 1912 (vue 64/98).

     

    Jeanne des Armoises, la fausse Jeanne d'Arc

    Le mois de mai a ramené les fêtes annuelles d'Orléans, où se perpétue si gracieusement le culte de Jeanne d'Arc.
    Qui croira que huit ans après la mort de la Pucelle à Rouen, sur le bûcher allumé par les Anglais et leurs acolytes, une fausse Jeanne d'Arc pût se présenter aux Orléanais, les tromper sur son identité, se faire passer, en un mot, pour la vraie héroïne de Domrémy ?

    C'est dans un livre récent de M. Hanotaux qu'il faut lire les aventures invraisemblables de cet imposteur en jupons, qui avait, du reste, pour mieux piper son monde, remplacé le cotillon par la cotte de maille.

    L'isolement des villes, l'absence de chemins, l'état de guerre, tout concourut à donner au mensonge l'apparence de la vérité.

    Aucun moyen de contrôle n'existait en ce temps-là, hormis le témoignage des contemporains. Or, il se trouva, paraît-il, des Orléanais pour reconnaitre formellement une femme qu'ils n'avaient en réalité, jamais vue. Et ce sont ces détails qui nous passent aujourd'hui.

    Que n'avait-on, sous Charles XII, la photographie, le cinématographe, l'anthropométrie et tout l'utile cortège des constatations bertillonnesques pour confondre les usurpateurs !

    L'aventurière en question faisait son apparition première à la Grange-aux-Ormes,, près de Saint-Privat, en Lorraine.
    Tout en se donnant pour Jeanne d'Arc, dont la mort tragique remontait à cinq ans, elle disait s'appeler Claude.

    Ici commence l’extraordinaire. Les deux frères de Jeanne, Perrinet et Jeannet, la reconnaissent publiquement pour leur sœur ! Ne cherchons pas à comprendre. Suivons le récit, qui parait solidement appuyé sur des documents.
    Ce patronage ne nuit pas à la légende qui court le pays, et l'identification de Jeanne d'Arc avec Claude est un fait accepté.

    La coureuse d'aventures est habillée en homme, hissée sur un cheval, qu'elle enfourche gaillardement au surplus. Et c'est entre les deux frère de la vraie que la fausse héroïne s'en va par les routes,vers le duché de Luxembourg, et plus tard vers l'Orléanais.
    On la voit au pèlerinage de Notre-Dame-de-Liesse; tout un chacun est bien certain d'admirer là cette tant courageuse fille qui releva les affaires du roi de France.

    C'est qu'il n'y a pas encore de journaux pour divulguer à travers les France, et l'Allemagne, et les Flandres, le crime ignoble de Rouen. Chacun croit que la Pucelle a échappé à ses geôliers, et que c'est bien elle qui parcourt le pays. N'a-t-elle pas deux écuyers qui se portent garants, les deux frères ?

    Il y a là quelque chose de fantastique, comme supercherie. Car enfin les deux frères d'Arc n'ont pas pu reconnaitre leur sœur dans l'amazone sans scrupules, qui s'est présentée devant eux. Peut-être étaient-ils des simples d'esprit que la carrière prodigieuse de Jeanne mettait dans la main de la première venue ?
    Peut-être, en paysants madrés, cherchèrent-t-ils à profiter de la confusion? Ce sont là des suppositions que nous ne saurions formuler sans preuves, sans documentation d'aucune sorte.

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    Analyser le récit de M. Hanotaux suffira pour mettre en relief cette curieuse figure d'arriviste femelle.

    A Luxembourg, la farceuse est très sérieusement accueillie par la duchesse. Après une tournée en Allemagne, elle séjourne à Arlon, et, pour comble, s'y marie avec un sieur des Armoises ou des Hermoises. Elle n'en continue pas moins à se faire appeler Jeanne, la Pucelle d'Orléans.

    Voici mieux, ou pire: elle veut aller à Orléans, à présent. Et elle écrit aux bourgeois de la ville, qui lui répondent, et se cotisent pour lui envoyer l'argent de son voyage!

    Mais elle disparait tout à coup. Ce n'est que trois ans plus tard, en juillet 1439, dix ans après la mort de la vierge martyre, qu'elle arrive au bord de la Loire.
    Les gens de la ville la reçoivent avec les honneurs qu'ils rendent aux personnes illustres. On l'héberge; on lui offre pintes et chopines à profusion; elle est surchargée de présents. Et, chose extravagante, pas un habitant de la ville ne se trouve pour dire aux autres que cette Jeanne d'Arc n'est pas la leur, celle qui a chassé le Anglais de leur cité dix ans auparavant !

    Les dépenses que fit la ville pour la réception et le séjour de la fausse Jeanne d'Arc demeurant consignées sur les registres municipaux.

    Brusquement, plus de trace, sinon de loin en loin, dans le Maine et le Poitou, où la fausse Jeanne guerroye en compagnie de ses deux "frères",décidément tenaces.

    C'est à Paris qu'on va s'émouvoir enfin d'un tel scandale.

    L'Université et le Parlement firent saisir la femme suspecte pardes hommes d'armes. Amenée au Châtelet, elle fut montrée au peuple "dans la grande cour du palais, sur la pierre de marbre. Et là; fut preschée et traitée sa vie et tout son estat".

    L'escroque avoua enfin qu'elle n'était point la Pucelle. On la mit hors de la ville, et elle s'en fut à d'autres aventures.

    Une fausse Jeanne d'Arc
    Le Petit Courrier d'Angers en date du
    mardi 21 mai 1912 vue 64/98

    Lire aussi:  Jeanne des Armoise sur Wikipédia, Jeanne des Armoises,la fausse Jeanne d'Arc ssur montjoie.net, Le secret de Jeanne sur jeannedomremy,

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