• Mesdames, vous ne verrez plus vos envies de fraises de la même façon

    Une femme accouche d'un lièvre

    Ce n'est pas le titre d'une Fable de la Fontaine, mais d'un fait "soit disant" réel passé dans la Sarthe

     

    Relevé sur les Affiches d'Angers de février 1779


    Événement


                       On nous mande de Foultourte, Diocèse du Mans, qu'un Lièvre est né d'une Femme. La
                       La science salubre de la Médecine n'admet point les influences des envies sur la génération, mal-
                       gré la déposition de faits multipliés & diversifiés à l'infini. Le compas de la Physique ne veut
                       point d'effets sans cause: & son flambeau tout lumineux qu'il est n'en découvrira point ici. Ris-
                       quons de gêner ces deux classes de Savans par le récit circonstancié du Phénomène. La femme du
                       Sacriste de R*** a produit le 27 novembre dernier un Lièvre ayant la configuration la plus
                       régulière de cette espèce d'animal. Depuis les pattes jusqu'à la tête il ne restoit à dési-
                       rer aucunes des parties propres du Lièvre, si on excèpte la peau & les extrémités des pattes
                       & des oreilles qui doivent en effet manquer à l'animal pour une plus parfaite ressemblance avec
                       le modèle que la femme avoit à copier. la Sage-Femme qui fit connoitre imprudemment à
                       l'Accouchée le fruit étonnant qu'elle venoit de donner, lui occasionna un état bien dangereux.
                       Un Prêtre accourt pour lui administrer les derniers secours spirituels. M. Marigné, Chi-
                       rurgien de la Suze, vient aussi-tôt. Le frère & le mari de la malade considérent également avec
                       surprise & peine la production qui étoit de grandeur ordinaire du Lièvre, avec les rougeurs
                       sanguinolentes d'un animal nouvellement écorché: & (ce qui emarassera davantage les incrédules
                       en fait d'envie de grossesse), l'animal avoit l'odeur & le parfum d'un Lièvre des champs.
                       Le sieur Chirurgien conserve chez lui, dans un cristal, la tête immergée dans l'esprit-de-vin. Pour-
                       quoi ne conserva-t-on pas le corps en son entier ? La Semaine suivante, la femme se délivre; 8 jours
                       après elle enfante une fille vivante, parfaitement organisée. Le Vendredi-Saint 1778, cette Femme
                       communiqua à son mari l'envie la plus violente de manger d'un Lièvre qu'elle venanit de voir,
                       dans une maison voisine, dépouiller & apprêter pour être mis en pâté. le mari peu complai-
                       sant, plaisanta l'envieuse avec son envie, qu'elle fut obligée d'étouffer, non sans un très grand
                       chagrin. Cette femme a bien des fois témoigné au Maitre du Lièvre son regret de ne s'être
                       pas ouverte à lui-même. Tout ce fait est vrai & encore existant avec tous ses témoins.
                       De rien, rien ne se fait dans la propagation des espèces, & cependant le principe de fécondité
                       n'est pas aisé à assigner, ni l'effet de l'envie ainsi caractérisé, à rejetter. Quoiqu'il en soit, en-
                       courager les jeunes-femmes à manifester sans honte leurs envies, même les plus bizarres, se
                       roit un moyen d'empêcher dans l'espèce humaine, bien des incommodités ou difformités, ou du
                       moins de retrancher de la Société un reproche bien ou mal fondé contre les mères. C'est le cas
                       d'un neveu de celle dont nous parlons, qui est incommodé près la hanche, d'un œil de veau,
                       de la grosseur d'une noix, pour envie reconnue de sa mère. (Affiches du Mans.)

    « Liste de MM. les Maistres en Chirurgie d'Angers janvier 1779"La malle mystérieuse" une nouvelle enquête pour le Détective Godard »