-
Poème à sa belle
Relevé dans les Affiches d'Angers de aout 1787
Lettre adressée au Rédacteur du Courier Lyrique,
Madame,Depuis deux ans privé de la femme la plus
chère & la plus aimante, j'ai vainement cher-
ché les moyens de m'assurer de sa confiance;
je crains que les parents barbares qui me l'ont
enlevée au moment où nous allions former
le lien le plus respectable & le plus doux,
n'ayent aussi intercepté les lettres que je lui
ai écrites, & qui sont restées sans ré-
ponses; je crains qu'elle ne me fasse l'outrage
de penser que j'ai cessé de l'aimer, & que dans
cette persuasion elle se livre au riche Vieil-
lard qu'on vouloit la forcer d'épouser. Dai-
gnez, Madame, insérer ma lettre dans votre
Courier; comme je ne doute pas que cette
aimable personne ne le reçoive, elle verra
que je suis toujours le même, & elle pourra
me faire savoir, par le même moyen si elle
est encore libre, en me répondant par les
deux derniers vers d'une Pièce que je lui
adressai, & qui jusqu'à présent n'est connue
que de nous deux. la voici:O toi, l'objet de ma nouvelle ardeur,
Toi qui dans peu dois être mon épouse,
Pardonne-moi cette fureur jalouse
Qui me laissa douter de mon bonheur;
Tu ne m'avois jusqu'à lors fait entendre
Qu'en rougissant la moitié de tes voeux,
Et ton regard, dans cet instant plus tendre,
Etoit tombé sur mon rival heureux.
Ah! maintenant que ta bouche charmante
M'a prodigué les titres les plus doux,
Je plains le fort, la stérile éloquence
De mes rivaux, que je puis braver tous:
Tu peux paroître ou sensible ou crue le,
Sans que mon coeur s'y m'éprenne jamais;
Mes yeux toujours te verront aussi belle,
&c. &c. &c. &c.