• V comme Vingt Cinq Avril Mil Sept Cent Quatre Vingt Douze

    Le 25 Avril 1792, Rouget de l'Isle compose Le Chant de guerre pour l'armée du Rhin, précurseur de l'hymne national français La Marseillaise.

     

    Depuis le 20 avril 1792, la France est officiellement en guerre contre l’Autriche qui sera bientôt rejoint par la Prusse. Si la guerre est dans tous les esprits depuis déjà longtemps, elle n’en suscite pas moins de nombreuses craintes d’invasion. Il faut des soldats sous les armes, et il faut les encourager ! A Strasbourg, le maire de Dietrich a l’idée de demander à un jeune capitaine du Génie, musicien à ses heures, de composer un chant patriotique pour les soldats qui se battent dans la région du Rhin.

    Le 25 avril 1792, ce capitaine, Claude Joseph Rouget de Lisle, tombe en arrêt sur une affiche placardée par la Société des Amis de la Constitution. C’est un appel à la mobilisation. Le texte débute par une vibrante injonction patriotique : « Aux armes, citoyens ! ». Le jeune homme tient sa première idée de chant. Le soir même et pendant toute la nuit, il écrit six couplets dont il compose la musique sur son violon. Le lendemain, devant le maire de Dietrich et ses invités, il entonne pour la première fois en public son « Chant de guerre pour l’armée du Rhin ». L’assistance est stupéfaite par le souffle de la composition, en particulier par le refrain qui débute par les mots que Rouget de Lisle a vu sur la fameuse affiche : « Aux armes, citoyens ! »…

    Le succès du chant est immédiat. De bouches à oreilles et sur des tracts imprimés, il se répand un peu partout dans le pays. Jusqu’à atteindre Montpellier, où il tombe entre les mains d’un certain François Mireur, chargé d’accompagner les volontaires de l’Hérault vers le front du nord. Or la route de ces volontaires du sud passe par Marseille qui, elle aussi, est prête à envoyer des volontaires pour défendre la patrie en danger.

    Le 21 juin 1792, Mireur, en tant que délégué de Montpellier, est invité au Club des Amis de la Constitution de Marseille. Le lendemain 22 juin, il est l’hôte d’honneur d’un grand banquet à la fin duquel on lui réclame bien évidemment un discours. Mireur a alors l’idée d’entonner le chant qu’il a amené avec lui. L’effet est immédiat. A la fin du quatrième couplet, les gens surexcités se mettent debout et entonnent le refrain à gorges déployées. Le lendemain même, alors que Mireur repart rejoindre son bataillon de volontaires, deux journalistes marseillais impriment les paroles qui se répandent dans toute la ville.

    Dès le 25 juin, Marseille enrôle. On espère 600 hommes, ils sont finalement 516, mais particulièrement motivés. On leur distribue à chacun un exemplaire du chant amené par Mireur et déjà très populaire dans la ville. Ils décident d’en faire leur chant de marche. Le 3 juillet, le bataillon des « Fédérés » marseillais se met en route, à pied, pour la capitale. Sur tous les chemins, dans chaque hameau, chaque village, chaque ville, ils défilent fièrement en chantant cette chanson patriotique si entraînante. Leur chef, Barbaroux, témoigne dans ses mémoires de l’extraordinaire ferveur et de l’émotion populaire soulevée par ce chant au son duquel les gens n’hésitent pas à se mettre à genoux devant les marseillais.

    Le 29 juillet, le bataillon marseillais entre dans Paris. Et bien évidemment, au son rythmé des tambours de marche, ils entonnent fièrement ce chant qui les accompagne depuis plus d’un mois. Là encore, les parisiens sont complètement électrisés. Au refrain, les marseillais agitent leurs drapeaux, leurs chapeaux et leurs sabres. Le succès populaire est fulgurant. Très vite, alors que les marseillais sont souvent appelés à le chanter au Palais-Royal, le chant se répand comme une traînée de poudre. Sur toutes les places publiques, on peut trouver quelqu’un qui l’interprète et qui l’enseigne à son tour. Les parisiens qui ne l’ont jamais entendu demandent, curieux :  « Mais quel est ce chant ? » A quoi on leur répond invariablement : « Mais c’est l’hymne des marseillais ! ». Le nom est lancé. Le peuple l’adopte immédiatement. C’est ainsi que par le bouche à oreille et la célèbre gouaille populaire parisienne, «  l’hymne des marseillais » va devenir « la Marseillaise ».

    Le 10 août 1792, le désormais célèbre bataillon des marseillais s’illustre dans cette journée insurrectionnelle qui voit la prise des Tuileries et qui consacre la fin de la monarchie constitutionnelle et l’avènement de la République. La Marseillaise, déjà adoptée par le peuple, devient alors un véritable hymne patriotique républicain qui est repris par les soldats sur tous les champs de bataille où le sang coule pour la défense de la patrie. Elle est officiellement déclarée « Chant National » le 14 juillet 1795 et acquiert une renommée européenne.

    Sous le 1er Empire, Napoléon la fait interdire. Bien évidemment, la Restauration qui suit maintient cette interdiction. Pourtant, les paroles et l’air restent solidement ancrés dans les cœurs. Et lors des révolutions de 1830 et 1848, elles réapparaissent sur toutes les lèvres. Sous le second Empire, elle est à nouveau proscrite comme un chant séditieux.

    Rouget de Lisle meurt le 26 juin 1836. Ce fervent patriote aura eu l’honneur de connaître l’essor populaire de sa chanson, mais le royaliste convaincu qu’il était a du trouver quelque peu amer le fait qu’elle soit devenue un hymne républicain.

    Il faut attendre le 14 février 1879, pour que, sous la IIIème République, la Marseillaise soit définitivement proclamée « Hymne national des Français ». La version complète comprend quinze couplets. Mais on n’en retient généralement que six ou sept, et, dans l’usage populaire, c’est seulement le premier couplet et le refrain qui sont chantés.

    Aujourd’hui, l’article II de la Constitution de la Vème République proclame : « La langue de la République est le français. L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L'hymne national est la Marseillaise. La devise de la République est Liberté, Égalité, Fraternité. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »

    Source images Gallica

    Le texte intégral:

    1. Allons enfants de la patrie,
    Le jour de gloire est arrivé !
    Contre nous de la tyrannie,
    {L’étendard sanglant est levé ! (bis)
    Entendez-vous dans les campagnes,
    Mugir ces féroce soldats ?
    Ils viennent jusqu’en dans vos bras
    Egorger vos fils, vos compagnes !

    Aux armes, citoyens !
    Formez vos bataillons !
    Marchons ! Marchons !
    Qu’un sang impur
    Abreuve nos sillons !

    2. Que veut cette horde d’esclaves,
    De traîtres, de rois conjurés ?
    Pour qui ces ignobles entraves,
    {Ces fers dès longtemps préparés ? (bis)
    Français ! pour nous, ah ! quel outrage !
    Quels transports il doit exciter !
    C’est nous qu’on oser méditer
    De rendre à l’antique esclavage !

    Refrain.

    3. Quoi ! ces cohortes étrangères
    Feraient la loi dans nos foyers !
    Quoi ! ces phalanges mercenaires
    {Terrasseraient nos fiers guerriers ! (bis)
    Grand Dieu ! par des mains enchaînées
    Nos front sous le joug se ploieraient !
    De vils despotes deviendraient
    Les maîtres de nos destinées !

    Refrain.

    4. Tremblez, tyrans ! et vous perfides,
    L’opprobre de tous les partis.
    Tremblez ! vos projets parricides
    {Vont enfin recevoir leur prix ! (bis)
    Tout est soldat pour vous combattre.
    S’ils tombent, nos jeunes héros,
    La France en produit de nouveaux,
    Contre vous tout prêts à se battre !

    Refrain.

    5. Français, en guerriers magnanimes,
    Portez ou retenez vos coups !
    Epargnez ces tristes victimes,
    {A regret s’armant contre nous. (bis)
    Mais les despotes sanguinaires,
    Mais les complices de Bouillé,
    Tous ces tigres qui, sans pitié,
    Déchirent le sein de leur mère !…

    Refrain.

    6. Amour sacré de la patrie,
    Conduis, soutiens nos bras vengeurs !
    Liberté, liberté chérie,
    {Combats avec tes défenseurs ! (bis)
    Sous nos drapeaux, que la victoire
    Accoure à tes mâles accents !
    Que tes ennemis expirants
    Voient ton triomphe et notre gloire !

    Refrain.

    7. Nous entrerons dans la carrière
    Quand nos aînés n’y seront plus ;
    Nous y trouverons leur poussière
    {Et la trace de leur vertu. (bis)
    Bien moins jaloux de leur survivre
    Que de partager leur cercueil,
    Nous aurons le sublime orgueil
    De les venger ou de les suivre !

    Refrain.

    8. Dieu de Clémence et de Justice
    Vois nos tyrans, juge nos cœurs.
    Que Ta bonté nous soit propice,
    {Défends-nous de ces oppresseurs (bis)
    Tu règnes au ciel et sur la terre
    Et devant Toi tout doit fléchir,
    De ton bras, viens nous soutenir,
    Toi grand Dieu, maître du tonnerre…

    Refrain.

     

    Sources:
    Texte: historiweb.com
    Images: Gallica

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