• Exécution capitale à Belfort, portrait d'un homme aiguisé

    Relevé sur les Affiches d'Angers du 6 octobre 1905

     


    AD 49 Presse octobre 1905 vue 14/68

     

    Condamnation Lieu Nom Crime Décision
    05 août 1905 Vesoul Antonio Pozzi 38 ans, maçon italien. Dans la nuit du 14 au 15 décembre 1904, agresse les époux Phelpin, buralistes à Chaux, et tue de deux coups de couteau Mme Phelpin avant de dérober 1.000 francs. Son complice Breveglieri est condamné à perpétuité. Guillotiné à Belfort le 06 octobre 1905.

    Source: http://guillotine.voila.net

    Je remonte en arrière


    AD 49 Presse aout 1905 vue 15/67

    Antonio Pozzi arrêté à Bâle le 27 décembre, est ramené à Belfort le 9 janvier 1905. Il essaie en vain de s’évader de la prison, mais lui et toute la bande sont transférés à la prison de Vesoul pour passer devant les Assises le 4 août 1905.
    L’avocat général demande la peine de mort contre les 3 principaux accusés qui ont déjà plusieurs condamnations à leur actif. M. Morel, l’avocat d’Antonio Pozzi, essaie d’obtenir les circonstances atténuantes en tâchant de démontrer qu’il n’y avait pas eu préméditation. M. de Beauséjour met en valeur que ce n’est pas Giovanni Biava qui a tué. Quant à l’avocat de Alfredo Galoni, il montre que Pozzi et Biava avaient tout intérêt à charger son client.
    La sentence tombe. Pozzi est condamné à mort et l’arrêt de la cour porte qu’il sera exécuté sur une place publique de Belfort, Biava aux travaux forcés à perpétuité, Galoni à 20 ans de travaux forcés, Mossini à quatre ans de prison, Miglieri et Berviglieri à deux ans de prison. Pozzi, qui a signé son pourvoi en cassation, est ramené à Belfort le 29 août et mis en cellule. 

     

     

    Anatole Deibler le « Monsieur de Paris » est le surnom du bourreau officiel de la III ème République jusqu’en 1937. L’exécuteur viendra à Belfort au mois d’octobre 1905 pour appliquer la sentence pénale à Antonio Pozzi, le grand Napolitain, il sera un de ces 395 guillotinés...
    Dans une geôle de la rue des Boucheries, un homme se morfond.
    Enchaîné, jour après jour, il attend l’aube fatale, tout en espérant jusqu’au dernier moment la grâce présidentielle. Emile Loubet a hésité plusieurs semaines avant de refuser de commuer sa peine, les journaux s’en sont même émus. Depuis qu’il est Président de la République, il gracie relativement souvent. Il n’y a eu aucune exécution en 1904. La malchance de Pozzi, c’est d’être italien immigré. C’est la cause probable du refus de la grâce, car il a commis son crime un an trop tôt. Le 18 février 1906, Armand Fallières succède à Emile Loubet.
    C’est un partisan de l’abolition de la peine de mort. En 1906, 1907 et 1908, il n’y aura aucune exécution.

    Comme la date de l’exécution est toujours tenue secrète par le 1er bureau de la chancellerie, le
    « Monsieur de Paris » est un homme épié et surveillé à Paris. Les journalistes ont leurs informateurs.
    Suivant la gare parisienne où il prend ses réservations, ils en déduisent immédiatement
    sa destination.

     

    Le jeudi 4 août dans son édition matinale, « le Petit Comtois » sera le premier à annoncer son départ pour Belfort. Anatole Deibler connaît parfaitement son travail, après avoir reçu la lettre du ministère de la justice avec la date et la ville où aura lieu l’exécution, il prévient ses aides, loue des chevaux et un cocher pour conduire son fourgon à la gare et retient un wagon plate-forme pour la voiture et une cabine de seconde classe pour lui et son équipe.
    Anatole Deibler et ses trois aides arrivent à Belfort par le train de 6 h 08, et descendent dans un hôtel proche de la gare. Ils déposent leurs bagages, et prennent un petit déjeuner. Anatole Deibler s’en va seul, accomplir les formalités d’usage.
    A la gare un employé l’a reconnu et aussitôt la nouvelle fait le tour de la ville : « Deibler est arrivé! l’exécution est pour demain. » La foule est dense aux abords de l’hôtel, tout le monde veut voir le bourreau qui s’engouffre dans une voiture de location et se fait conduire au palais de justice.
    Il est reçu par le procureur de la République avec qui il s’entretient des mesures à prendre concernant l’exécution du lendemain, le vendredi 6 octobre 1905 à 5 h 30 du matin. Il se rend ensuite au commissariat de police, à la prison et enfin à la mairie où la décision sera prise sur l’emplacement où sera installée la guillotine. Ce lieu existe toujours, les anciens Belfortains l’appelaient le square Pozzi. Cette petite place est située derrière le conseil général, face au square du souvenir.

    Il rentre ensuite à son hôtel. Le train qui doit amener les bois de justice a du retard. Il devait arriver à 9 h 50, il ne sera là qu’à 13 h 30. Le wagon sur lequel est juché le fourgon est détaché du train et remisé près du quai aux bestiaux. Pendant toute la journée les curieux défilent, pour voir cette sorte de grande berline noire avec deux petites roues à l’avant et deux grandes roues à l’arrière. A l’intérieur tout le matériel appelé aussi les « Bois de justice » est méticuleusement rangé.

    Les montants laqués de brun,
    La bascule et le linteau,
    Le mouton ( lest du couperet )
    Le couperet, plus un de rechange
    Des échelles et des cordes
    Le grand panier d’osier doublé de zinc
    L’auge pour la tête
    Un sac de son
    Des seaux et des éponges ,etc.

     


    Le véhicule transportant les « bois de justice »
    arrive à Belfort par le train

    Les exécutions se font toujours à l’aube. Le montage de « La veuve » autre nom donné à la guillotine ou « la louisette » par les Parisiens n’est jamais installé à l’avance, son montage s’exécute au cours de la nuit avant l’aube fatidique. Il est 2 h 30 du matin, tout Belfort est en marche.
    Le mouvement a commencé vers minuit, un véritable flot humain converge vers le lieu de l’exécution. Les aides du bourreau se rendent à la gare, attellent deux chevaux au char de la mort et les emmènent au galop, ainsi que leur patron qu’ils ont pris en passant, vers le minuscule bout de terrain le long du quai Vauban. Le cordon de troupe formé de quatre compagnies d’infanterie des 35 ème, 42 ème, et 23 ème de ligne contiennent la foule et s’ouvre pour les laisser passer. Un peloton de dragons à cheval bloque toutes les rues avoisinantes. Cela représente plus de 1000 hommes en tout pour contenir cette foule impatiente, pensez donc 10 000 personnes! Estimation donnée par le journal la Frontière et L’Alsace, il n’y a pas eu d’exécution publique dans cette partie du Haut- Rhin demeurée française depuis le guillotiné de Sermamagny à Grosmagny en 1855….! Sous Napoléon III. Certains jubilent à l’idée de voir une nouvelle exécution d’un assassin à Belfort.
    Les aides de l’exécuteur sortent les diverses pièces de la lugubre carriole avec tous les accessoires, et le montage peut commencer. Peu avant quatre heures, l’assemblage est terminé. Le bourreau, qui a déjà vérifié avec son niveau le parfait équilibre de l’ensemble, fait jouer une dernière fois le couteau dans la rainure. Tout est parfait !


    La « une » du journal L’Alsace du dimanche 8 octobre 1905

     

    A 4h 30, l’équipe remonte en voiture et se rend à la prison où on lui remet le prisonnier. Le procureur annonce à Pozzi que son pourvoi est rejeté, à cette annonce il dit avec ironie : « Certes, je m’y attendais, mais ça ne fait rien. C’est désagréable d’être dérangé comme cela de bonne heure. ». Puis, il rajoute au procureur : « Puisque je vais mourir, j’ai une révélation à vous faire.
    Je connais le crime mieux que vous, n’est-ce pas, puisque j’y étais ? Eh bien, vous avez commis une erreur en condamnant Breveglieri comme mon complice. Il est innocent, vous en trouverez la preuve là-dedans. » Il lui donne une lettre, et demande qu’on envoie ses vêtements ainsi qu’une seconde lettre à sa mère. « Maintenant que vous connaissez mes dernières volontés, nous allons nous occuper du petit voyage ! » Après s’être entretenu avec l’aumônier il se confessa. Habillé, après la communion, on lui demande s’il veut se restaurer : « Parbleu, quelle question !

     

     

    Je ne me suis peut-être jamais senti aussi bon appétit ! » Regardant le greffe, il dévore trois côtelettes en mordant à même la viande, vide une bouteille de vin, et trois petits verres de rhum.
    En mangeant , il rit : « Il n’y a rien de tel pour activer la digestion ! Messieurs, je bois pour la dernière fois à votre santé ! « Comme il veut discuter avec Deibler, ce dernier ne partage pas ses intentions et fait presser le mouvement vers le greffe. Pozzi rajoute au greffe : « Avant de m’en aller, j’allume ma dernière cigarette et,comme je ne suis pas un ingrat, je voudrais bien que l’on donnât un pourboire de ma part à mon gardien, qui a été très gentil pour moi. La preuve, c’est que si je l’avais voulu, j’aurais pu me suicider, j’avais une ficelle dans ma poche. Mais cela aurait certainement fait avoir des ennuis à ce brave garçon et j’ai évité qu’il ait des désagréments à cause de moi. » Deibler fouille la poche, trouve la ficelle en question, et dit , exaspéré : « Assez de discours comme cela ! En route ! ».

    Les aides procèdent à sa dernière toilette vers 5 h, ils échancrent le haut de sa chemise et l’emmènent en fourgon auprès de la guillotine.
    Plus de 10 000 personnes sont présentes depuis 2 h du matin, sur la petite place du Champ de
    Foire située à 200 mètres de la prison, qui deviendra après 1920 le square du Souvenir, crient: « A mort l’assassin de Chaux ! A mort Pozzi ! ». La voiture de Deibler, où se trouve Pozzi , marche au pas en sortant de prison. M. le capitaine de gendarmerie se place devant la voiture, accompagné d’une escorte qui l’entoure. Les magistrats devancent la voiture. La foule crie alors de plus belle : « A mort Pozzi ».
    Pozzi, descend du fourgon, arrêté vers de la guillotine, il regarde avec colère cette foule qui hurle, mais Pozzi, cynique, crie à pleins poumons : « M….à vous tous ! c’est tout ce que vous méritez ! »
    Les aides de Deibler le poussent, il arrive vers la guillotine, en moins de temps qu’il n’en faut pour le raconter, la tête de l’assassin tombe sous le couteau de la guillotine. Justice était faite, il est 5 h 30. Le corps du supplicié roule dans le panier. Un aide y jette la tête. le panier est immédiatement fermé et chargé sur la voiture qui part au cimetière escortée par les gendarmes.
    Un grand silence. Une pénible impression. La foule se disperse. Parmi elle beaucoup de gens de Chaux venus à pied dans la nuit. Ils accompagnent un homme en habits de deuil, coiffé d’un chapeau noir à large bord, le père Phelpin qui est venu assister à l’exécution dit : « Ah, que je suis content ! Ma pauvre femme est donc vengée ! ». C’était le 6 octobre 1905...


    L’ancien square Pozzi, rebaptisé Square des anciens combattants d’Afrique du Nord.

    La seule photo prise de la guillotine installée le 6 octobre 1905 à Belfort, située à
    l’angle de l’avenue Foch et de l’avenue Sarrail. Remarquez, au fond à droite,
    la foule venue en nombre, assister à ce spectacle macabre. ( archives C.G.)

    Sources : Les Affiches d'Angers (AD49). l’Alsace du 8 octobre 1905. Info Sochaux N°22. Photo de la guillotine de Christophe Grudler, dans Belfort au fil du temps.

    « 100 pour 100Février 1912, tremblez futurs ennemis, nos aéroplanes seront armés »