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I comme ïenissei
Ïenissei
(Енисей)Quel cruciverbiste n'a jamais rencontré cette définition: rivière de Russie ?
Le Ienisseï (en russe : Енисей) est un fleuve de Sibérie en Asie qui naît de la confluence du Grand Ienisseï (Bii-khem) et du Petit Ienisseï (Ka-khem), en république autonome de Touva — le premier né sur le flanc sud des monts Saïan par 97° 30' E et 52° 20' N, et le second issu des marais quelques kilomètres à l'ouest du lac Khobso-Gol au nord-ouest de la Mongolie.
Ienisseï
Fleuve d'AsieLe Ienisseï est un fleuve de Sibérie en Asie qui naît de la confluence du Grand Ienisseï et du Petit Ienisseï, en république autonome de Touva — le premier né sur le flanc sud des monts Saïan par 97° 30' E et 52° 20' N, et le second issu des marais ...
Longueur : 3 487 kmSuperficie du bassin : 2 580 000 km²
Débit : 19 600 m³/s
Source : Mongolie
Embouchures : Océan Arctique, Golfe de l'Ienisseï, Mer de Kara
Villes : Kyzyl
Pays : Mongolie, RussieGéographie
La longueur du fleuve est de 4 093 km (mais elle atteint 5 075 km si on prend comme source du fleuve la source de la Selenga) et la surface de son bassin versant est de 2 620 000 km2. Il est navigable jusqu'à Minoussinsk, sur une longueur de 2 900 km. Le fleuve est libre de glace en moyenne 155 jours par an à Touroukhansk et 196 jours entre mai et novembre à Krasnoïarsk.
Le Bii-khem et le Ka-khem coulent vers l'ouest, mais après s'être unis, ils tournent vers le nord, à travers les monts Saïan dans la gorge profonde de Kemchik, selon le 92e méridien, pour émerger dans les steppes à Saïansk (53° 10' N).
Augmenté de l'Abakan sur la gauche et de la Touba sur la droite, il traverse la région minière de Minoussinsk, approche à 10 km du Tchoulym, tributaire de l'Ob et croise le Transsibérien à Krasnoïarsk. Il reçoit alors son principal affluent, l'Angara, émissaire du lac Baïkal, qui porte son débit de 3 350 m3⋅s-1 à 8 300 m3⋅s-1.
Après la confluence de l'Angara, le fleuve continue de s'élargir. Un canal reliait autrefois la petite Kas, affluent gauche de l'Ienisseï, à la Ket, un affluent de l'Ob. Le fleuve reçoit par la droite les eaux de deux affluents majeurs, la Toungouska pierreuse et la Toungouska inférieure.
L'Ienisseï continue vers l'océan Arctique, atteignant une largeur de 30 km. Son lit est encombré par des îles. Il reçoit encore sur la gauche la Sym, le Touroukhan et l'Ingarevka, et sur la droite le Koureïka et la Danechkina, puis il s'étale dans son delta.
C'est sur ses rives qu'a été découvert Jénia, le mammouth
Les scientifiques parlent de la découverte du "mammouth du siècle":
son squelette est pratiquement entier. Photo AFP« Un garçon de 11 ans, Jénia (Evgueni) Salinder, se promenait avec son frère sur la rive haute du Ienisseï. Il a senti une odeur désagréable, a vu que dans la pente quelque chose dépassait : c’étaient les pattes du mammouth », a raconté Alexeï Tikhonov, le directeur du musée zoologique de Saint-Pétersbourg. La découverte a eu lieu en août 2012 près du Golfe du Ienisseï, au bord de l’océan Arctique, dans la péninsule de Taïmyr, où l’animal était resté jusqu’à présent conservé dans le pergélisol (sol gelé en profondeur), a indiqué Alexeï Tikhonov. « C’est un endroit dégagé, où les tempêtes érodent la berge du fleuve, c’est ce qui a dégagé le mammouth », a ajouté ce spécialiste. « Jénia l’a dit à son père, qui a aussitôt prévenu le directeur de la station polaire, qui a appelé les scientifiques ».
Le mammouth découvert était jeune, âgé de 15-16 ans, et devait mesurer deux mètres de haut et trois mètres de long de son vivant, selon lui. Il a dû vivre il y a environ 30 000 ans.
« Le flanc gauche a pourri, mais le droit a gardé sa peau. Les organes de l’abdomen se sont complètement décomposés, mais son organe sexuel d’un mètre de long est intact, d’où l’on peut aisément conclure que c’était un mâle », a encore indiqué Alexeï Tikhonov.
Baptisé Jénia
Une seule défense a été retrouvée, de 1,5 mètre de long, et d’un poids de 9 kg. « Sur le côté droit de la tête, il y a encore la peau, l’oreille, et un œil ». « Le squelette est pratiquement entier, il y a peut-être même le cœur entier dans la cage thoracique. On peut parler du mammouth du siècle », a encore déclaré le scientifique, estimant que la valeur de cette découverte n’était surpassée, pour un spécimen adulte, que par un précédent remontant à 1901. « Nous avons donné au mammouth le nom du garçon, Jénia », l’un des 7 enfants d’une famille de nomades autochtones, les Nenets.
« Ce sont des gens de la toundra, des chasseurs et des pêcheurs qui vivent dans des tchoum (sortes de yourtes, ndlr), et ils ont une vie difficile. Sa maman est morte en couches il n’y a pas longtemps. Nous espérons que sa famille va recevoir une récompense », a encore dit Tikhonov. (Le Républicain Lorrain)
Mais l'Ienisseï n'a pas toujours été cette image de carte postale
Avant de se jeter dans la mer de Kara, dans le Grand Nord sibérien, l'Ienisseï coule sur près de 4 000 kilomètres. Toute la vie d'immenses régions s'ordonne autour de lui: l'été, il sert au lent trafic des hommes et des marchandises; l'hiver, son lit profondément gelé se transforme en autoroute... Depuis trois quarts de siècle, l'Ienisseï - la «mère des eaux», dans la langue khakasse - était interdit aux étrangers. L'oukase enfin levé, notre équipe (L'Express), conduite par Marc Epstein, en a suivi le cours navigable dans sa quasi-totalité, empruntant tour à tour camion, autocar, hélicoptère, cargo enfin. Des confins de la Mongolie aux rivages du soleil de minuit, ce périple de un mois aura permis à nos reporters de rencontrer une population dont on ignore tout: rescapés du goulag, milliardaires cyniques, bagnards toujours sous la chaîne, ingénieurs perdus dans leurs rêves, ermites de la taïga, bateliers heureux. Un kaléidoscope de mondes où éclatent les contradictions de la Russie contemporaine. Première étape: l'incroyable république de Khakassie.
Il y a des cauchemars si terrifiants qu'on hésite à les raconter. Dans la banlieue de Norilsk, une ville industrielle du Grand Nord sibérien, se dresse une montagne, battue par le vent glacial. Huit mois par an, l'hiver polaire pétrifie cette terre. Vienne le printemps, et des ruisseaux charrient une boue visqueuse de neige liquéfiée où les pieds s'enfoncent; la montagne de Norilsk se met à fondre, elle pousse un long soupir. Et le cauchemar recommence: «On voit des crânes humains, chuchote un habitant d'une voix blanche. Des os entiers dévalent la pente.» Au moins 100 000 personnes sont enterrées ici. Prisonniers et exilés sous Staline, pour la plupart, rejoints dans la mort par leurs gardiens. S'ils étaient vivants, ces hommes et ces femmes pourraient contempler une ville qu'ils ont construite de leurs mains, au temps des goulags. Désormais, leurs fantômes courent les rues. A Norilsk, des enfants ont inventé de nouveaux jeux avec des morceaux de squelette, ramassés sur la colline. Des crânes ont été cloués aux murs d'une boîte de nuit, «afin d'animer les effets de lumière». D'autres sont transformés en cendriers par des «businessmen», comme ils disent. Découpée à la scie et munie de charnières, la boîte crânienne devient couvercle.
...Ces morts de Norilsk sont peut-être ceux qui hantent le plus nos souvenirs, au retour d'un périple de près de 3 000 kilomètres le long de l'Ienisseï, fleuve majestueux qui réveille, au centre géographique de la Russie, l'immensité des forêts et des steppes. Sur ses rives, loin de Moscou, vivent ceux que la loi rendit longtemps «invisibles». Pendant une bonne partie du xxe siècle, ils eurent seulement le droit de se taire. Chasseurs dans la taïga ou dirigeants d'entreprise, marins ou paysans, jeunes ambitieux ou retraités misérables, politiciens ou bagnards d'un camp de travail, ils s'adaptent, tant bien que mal, aux bouleversements du pays. Et forment, ensemble, un portrait éclaté de la Russie d'aujourd'hui.
Tout est allé si vite... Aux oubliettes, l' «empire du mal», tant redouté par le «monde libre». Volatilisé, le pays phare du communisme, cette philosophie politique qui fut la grande affaire du xxe siècle et qui fascina des dizaines de millions d'êtres humains. Restent le désenchantement, le cynisme et l'amertume. ceux que nous avons croisés laissent l'impression d'une société plus libre, certes, mais laissée à elle-même, où chacun doit compter sur ses propres forces. Sans doute n'est-ce pas le pire des destins, pour ces orphelins d'un totalitarisme cannibale qui dévora longtemps les hommes et les ressources avant de s'exterminer lui-même.
Puisque l'Union soviétique n'est plus, il fallait d'abord rendre visite... à Lénine. En 1897, alors qu'il n'était encore qu'un révolutionnaire bavard, Nicolas II l'exila pour trois ans à Shushenskoye, un bourg perdu à 300 kilomètres de la frontière mongole, où les eaux bleues de l'Ienisseï rappellent curieusement, par leur paix lumineuse, celles du lac Léman. A leur contact, Vladimir Ilitch devint ami de la nature et pêcha même, la nuit, sur les bords de la rivière. Pourtant, il n'apprécia guère ce «grand village aux rues poussiéreuses», comme il l'écrivit dans une lettre à sa soeur, Marie. «Pour en sortir, ajoutait-il, il faut passer sur un certain nombre de bouses.» Malgré soixante-dix ans de marxisme-léninisme, les bouses demeurent, malheureusement, et souillent un monument en marbre rose à la gloire de l'ancien exilé.
«DU FIL À COUDRE»
A la fin des années 60, les autorités soviétiques firent de Shushenskoye une sorte de Mont-Saint-Michel, version païenne, dédié au culte du père fondateur. Un aéroport, de «belles routes», un débarcadère, des rues propres et une cafétéria: rien n'était trop beau pour attirer les pèlerins. En 1970, enfin, pour le centenaire de la naissance du grand homme, on inaugura un musée en plein air, où quelques rues du village sont reconstituées, telles qu'elles existaient à la fin du xixe siècle, avec leurs maisons en rondins. Les auteurs du projet cherchaient à démontrer la dureté de l'exil sous le tsar. Mais l'exactitude historique ayant été respectée - une fois n'est pas coutume - c'est l'effet inverse qui est produit, et les touristes découvrent, en se promenant entre les granges et les jardins potagers, les traces d'un empire où l'on vivait plutôt bien (ce qui explique, soit dit en passant, la confiance des épargnants français du début du siècle à l'égard des fameux emprunts russes!).
A Shushenskoye, Lénine demeura chez un certain Zyrianov, «un paysan ni pauvre ni riche», selon Tatiana Galenovskaïa, conservatrice des lieux. «Sa chambre à coucher mesurait 14 mètres carrés», relevait récemment un journaliste. Qui ajoutait: «La norme actuelle est de 6 à 9 mètres carrés.» Il y a deux ans, une main anonyme arracha du mur de la cuisine le menu d'un des repas de Lénine. La viande étant introuvable, hors de prix ou immangeable, ce rappel des délices d'autrefois exaspérait les visiteurs, déjà troublés par le choix des produits disponibles au magasin, lui aussi reconstitué: «Ça alors, du fil à coudre!» s'exclame une petite fille...
Le musée a connu de meilleurs moments: il y a encore deux ans, 5 000 personnes se pressaient quotidiennement aux portes; ces jours-ci, il n'en vient parfois qu'une vingtaine. «Georges Marchais n'est jamais venu, soupire la conservatrice. Mais Gorbatchev nous a rendu visite en 1987.»
Comme le patron d'un parc d'attractions, Tatiana a renouvelé le thème du musée Lénine afin d'attirer de nouveaux clients: «Nous vendons les paniers en osier des artisans locaux, explique-t-elle. Et nous célébrons les fêtes religieuses dans les rues du ?vieux village?. L'an dernier, un prêtre est même venu donner sa bénédiction.» Rappelez à l'audacieuse conservatrice que l'église a été rasée dans les années 30 et que le camarade Vladimir se retournerait dans son mausolée s'il apprenait tout ça, et elle rigole: «Il faut changer.» Le mémorial à Lénine, témoin du désastre auquel aboutit le léninisme. Il fallait le voir. Comprendre. Et partir.
Sur les rives du fleuve, qui s'étire langoureusement à cet endroit, des jeunes gens traînent leur ennui: «Vous êtes de France? Mais les touristes ne viennent plus chez nous.» Il flotte un parfum de nostalgie dans ces rues abandonnées et sur ces plages désertes. A deux pas du soviet local, quelques vendeurs proposent des cornets de glace et un mélange de jus de raisin et de pignons, tiré directement de la citerne. Les seuls signes de vie viennent
de la «base touristique Iskra» («L'Etincelle», nom du premier journal fondé par Lénine), où quelques centaines d'adolescents passsent leurs vacances, entre pêche au brochet et badminton. Des centres semblables sont éparpillés un peu partout dans le pays et beaucoup parlent avec nostalgie de leur séjour là-bas, du temps de leur jeunesse soviétique. Une amie à Moscou m'expliqua un jour pourquoi: «En Russie, il n'y a pas de lupanars. Mais il y a les bases touristiques.»
GIGANTOMANIE BÉTONITRUANTE
A moins d'être insensible au froid ou imbibé de vodka - ce qui revient au même - plus personne ne se baigne dans le fleuve: le plus grand barrage hydroélectrique de l'ex-URSS, édifié un peu en amont, maintient la température de l'eau à 7 °C. Même le climat a changé: l'air s'est humidifié, à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. Tout le monde se plaint de rhumatismes, de sinusite et de maux de gorge. Tout le monde... sauf les ingénieurs de la centrale, qui expliquent sans rire que le climat s'est «amélioré» grâce à cette gigantomanie bétonitruante, si appréciée au Parti.
C'est dans les années 50 et 60 que Moscou décida, en toute simplicité, de construire dans cette région dépeuplée les huit plus grands barrages du monde, afin de produire de l'électricité à bas prix et d'installer à proximité des industries grosses consommatrices d'énergie. Iouri Gagarine, le légendaire cosmonaute, vint lui-même à Shushenskoye, en 1963, poser la première pierre de la centrale - la pelle qu'il utilisa est pieusement conservée.
La désorganisation de l'économie est telle que la plupart des bateaux, à cet endroit du fleuve, ont été vendus. «A des gens riches qui se reposent dessus», éructe un ancien marin au chômage technique. Aussi est-ce en voiture qu'il faut rejoindre l'étape suivante, à quelque 30 kilomètres au nord. Abakan est la capitale monotone d'une république d'opérette, créée il y a trois ans: la Khakassie (prononcer la première syllabe dans un raclement de gorge). Autonome, mais pas indépendante, elle peut s'enorgueillir de plusieurs mines de charbon et de fer, ainsi que d'un joli drapeau («Il comporte du vert, mais nous ne sommes pas musulmans», s'était empressé de préciser l' «ambassadeur» à Moscou, dans sa résidence de 8 mètres carrés...).
Sa déclaration de souveraineté ne doit rien à la récente explosion nationaliste: la plupart des 600 000 habitants sont russes ou ukrainiens. En vérité, la Khakassie a vu le jour pour des raisons économiques: «Depuis le 15 août 1990, explique Vladimir Chtygatchev, le président, nous négocions directement avec Moscou, sans nous soucier de Krasnoïarsk [la capitale régionale, équivalent de la préfecture, en France]. Au sein de notre république, nous voulons adoucir les réformes et introduire par étapes les lois du marché.»
Derrière ces beaux discours, Chtygatchev est un conservateur, opposé au président Eltsine et attaché à certains aspects de l'ancien régime (comme cette interdiction de prendre en photo le moindre pont, qui valut au photographe de L'Express un tir d'intimidation à balles réelles). Au train où vont les choses, cela n'a plus grande importance. Chtygatchev est aux prises avec une nouvelle génération d'hommes d'affaires, devenus fortunés en peu de temps. Sur les 98 députés au Soviet suprême de Khakassie, par exemple, 35 sont des chefs d'entreprise - et de nombreux actionnaires se cachent parmi les autres. Ils sont les «nouveaux riches» - expression qui relève du pléonasme, en terre russe: décidés à défendre leurs intérêts, parfois liés à la pègre, quand ils n'en sont pas issus eux-mêmes, ces hommes sont les «vrais patrons» de la région.
Lors de notre passage, l'un d'entre eux fêtait précisément la signature d'un contrat dans l'un des hôtels de la ville. Ancien membre du Komsomol - l'organisation des Jeunesses communistes - Nikolaï Kotchurov créa il y a deux ans sa propre firme, Sobol («Zibeline»). D'abord spécialisé dans les cuirs et les peaux, il diversifia rapidement ses activités dans le commerce avec la Chine et le transport du fret. Aujourd'hui, Kotchurov prétend contrôler 24 entreprises, regroupant 1 500 salariés. Il conduit une Pontiac, commandée aux Etats-Unis par un ami, et arbore un noeud papillon aussi large, ou presque, que les épaules de son smoking. Quand nous sommes arrivés, l'une de ses amies chantait un vieux tube disco à l'intention des invités rassemblés dans le jardin: «Money, money, money... It's a rich man's world» («L'argent, l'argent, l'argent...La terre appartient aux riches»).
Entre deux verres, Kotchurov confia qu'il se passait très bien de Moscou: «Acheter les députés de Khakassie me coûte déjà assez cher! Dans un pays comme la France, les lois sont anciennes; les gens les respectent. Chez nous, les textes sont en préparation. On tâtonne. C'est pour cela que je me présente aux prochaines élections: nous avons intérêt à préparer des lois qui seront à notre avantage. En attendant, nous sommes à peu près libres de tout faire, et la Russie ressemble à un grand parc naturel: il est interdit de tirer sur les fauves de mon espèce...»
Outre l'argent, les dirigeants politiques locaux doivent aussi compter avec les diverses minorités ethniques, à commencer par les Khakasses eux-mêmes.
Originaires de Mongolie, en guerre contre les Russes pendant plus de cent ans, aux xviie et xviiie siècles, ces nomades, éleveurs de bétail, ont été persécutés sous le régime communiste, qui en exila dans le Grand Nord plusieurs dizaines de milliers, au cours des années 30. La plupart n'en sont pas revenus.
Le message des Chamans
Aujourd'hui, alors que 50 000 Khakasses vivent encore dans les collines d'une république qui porte leur nom, que reste-t-il à ce peuple? «Son identité», répond Sanka Tom, président de l'association Toun («Renaissance»). «Les vieux parlent entre eux dans la langue de nos ancêtres, ajoute-t-il, et nos cérémonies religieuses ont repris au grand jour.» Car les chamans, prêtres païens chargés de communiquer avec les esprits, n'ont jamais cessé d'exister. Même au temps de l'URSS: «Quand les enfants des communistes ne guérissaient pas d'une maladie grave, leurs parents nous les amenaient en cachette!» Les Khakasses se désignent traditionnellement comme «les fils du soleil» et rendent à nouveau hommage, au sommet de montagnes sacrées, aux «neuf dieux du Ciel». Un député du Soviet suprême les assimilait récemment à une société de naturistes.
Systématiquement écartés des hauts postes de l'administration (et des portes des discothèques), les Khakasses demandent à présent la formation d'une chambre basse au Parlement, où ils disposeraient d'emblée de la moitié des sièges. Une conception très... yougoslave de la démocratie, justifiée, à leur avis, par les injustices de l'Histoire.
Il était temps de quitter les lieux; filer en direction de Krasnoïarsk, capitale d'une immense région qui coupe en deux le «ventre» de la Russie et que nous allions traverser de part en part. Il était 6 heures du matin et nous attendions le bateau au village de Primorsk, où rien n'a changé depuis le xixe siècle, si ce n'est l'arrivée de quelques fils électriques. Vassili était content de nous voir. Capitaine à la retraite, le vieil homme est devenu responsable du débarcadère, afin de ne pas quitter les eaux de l'Ienisseï. «Vous êtes les premiers étrangers!» dit-il, et il courut chercher du lard et du poisson fumé.
Tout en savourant le petit déjeuner, nous avons lancé: «Vassili, et si nous étions des espions?» Il éclata de rire. Et nous souhaita de nouveau la bienvenue.
Çà a bien changée la RussieSources: Wikipédia, L'express.fr, Le republicain-lorrain.fr